Tandis que la partie 1 de cette série de deux articles traitait de ce qui caractérise les leaders destructeurs et de comment les reconnaître, voici des trucs pour mieux saisir l’impact de leurs gestes et optimiser les interventions des responsables RH.
EFFETS DANS VOS ENTREPRISES
Les leaders toxiques peuvent avoir tendance à répéter les mêmes erreurs ou à manquer d’activités constructives. Ils maintiennent le statu quo plutôt que de réellement faire progresser l’organisation. Ils empêchent leur équipe d’accomplir son travail et d’atteindre ses objectifs : ils poursuivent leurs propres intérêts plutôt que ceux de l’organisation. Ils détournent leurs employés de leurs responsabilités en arrivant toujours avec des changements ou des demandes urgentes.[1] La présence d’un leader toxique a pour effet de générer une ambiance de travail malsaine autour de lui.[2] Il est même prouvé que de tolérer la présence d’un individu toxique, une « pomme pourrie » peut aller jusqu’à réduire de 30 % la volonté de ses collègues de collaborer, ce qui est très couteux pour une organisation. Il est aussi prouvé qu’en présence d’un collègue ou d’un patron nuisible, jusqu’à 50 % des employés songeraient à quitter l’entreprise alors qu’il n’y en aurait qu’environ 12 % qui passeraient réellement à l’action. [3]
Le leader toxique a bien sûr certaines compétences qui peuvent donner des résultats à court terme. À long terme toutefois, son incompétence sera plus flagrante vu les dommages qu’il causera à l’entreprise.[4] Dans les faits, malgré qu’ils se croient très compétents, les leaders toxiques ne le sont pas vraiment en réalité. Ils prennent des décisions qui n’ont aucun sens, ont de la difficulté à réaliser les tâches les plus simples.[5] Ils ont tendance à fixer des objectifs injustes et irréalistes que les employés auront du mal à atteindre provoquant ainsi en une non-réussite, démoralisation généralisée des employés, une diminution de l’engagement envers l’entreprise, une accumulation de la charge de travail et un risque d’échec. [6] Outre les compétences techniques que ces leaders possèdent souvent, ils n’ont pas les aptitudes relationnelles, les valeurs, les attitudes et les comportements des leaders performants.[7] Les organisations « empoisonnées » par les leaders toxiques peuvent prendre 6 formes[8]. En tant que responsable RH, reconnaissez-vous votre entreprise dans l’une de ces formes ?
- Paranoïaque : organisation sur la défensive, peur, soupçon, méfiance générale.
- Compulsive : organisation surplanifiée et surprogrammée.
- Hyperactive : organisation « sans focus », impulsive, agissant comme un adolescent.
- Dégonflée : organisation « à plat », sans énergie, déprimée et impuissante.
- Délirante : organisation loin de la réalité, dans le simulacre, dans un monde qui lui est propre.
- Sans conscience : organisation malhonnête, ou amorale.
EFFETS CHEZ LES EMPLOYÉS
Les leaders toxiques détruisent complètement la confiance en elle des personnes qui tombent dans les mailles de leur filet. Les victimes perdent carrément le sommeil, ont des problèmes de sur ou de sous-alimentation, deviennent irritables, peuvent angoisser à l’idée même d’avoir une conversation avec ce leader toxique et peuvent prendre plusieurs jours à se remettre de cette conversation une fois qu’elle a eu lieu. Certaines victimes iront jusqu’à démissionner, mais rares sont celles qui ont le courage de porter plainte ou de simplement en parler. Ces personnes ont honte et en arrivent à être convaincues qu’ils sont eux-mêmes dans l’erreur, qu’ils sont réellement incompétents, etc.[9] Les professionnels RH devraient guetter ces signes chez les employés : bouleversement émotionnel, confusion mentale qui empêche toute pensée fluide, rationnelle et difficulté à communiquer ce qu’ils vivent. [10] Insatisfaction des employés, faible productivité, conflit entre certains employés, innovation stagnante et un taux de rotation du personnel élevé.[11]
Une situation conflictuelle avec un patron et la perception que son travail n’est pas reconnue font grimper d’environ 16 % les risques de maladies coronariennes et de 38 % ceux de crises cardiaques[12] et l’exposition prolongée au stress, en plus d’être totalement improductive, affaibli notre système immunitaire puisqu’il épuise l’hormone responsable de gérer le stress, soit le cortisol.[13]
CONTRER LES LEADERS MANIPULATEURS
Il est difficile de contrer les agissements de ces leaders puisqu’ils sont extrêmement sournois et intelligents. Plusieurs écoles de pensées existent quant à la possibilité ou non de changer ces personnes. Les opinions vont de « impossible » à « oui », mais si cela vient d’eux. Selon plusieurs, les leaders destructeurs ne veulent pas changer : ils sont persuadés de détenir la vérité. Cette pathologie s’explique par une immaturité figée. Les manipulateurs pervers narcissiques sont « des adultes qui ont les mêmes réactions qu’un enfant de 5 ans qui aime arracher les pattes des mouches sans réaliser que cela fait mal. Ils ne sont pas capables de voir la souffrance de l’autre. Ils ne respectent pas les autres et ont tendance à chercher à satisfaire leurs propres besoins aux dépens des autrui.»[14]. Pour les professionnels RH, voici quelques trucs :
- Adjoindre à un leader au comportement toxique un collègue solide que le leader admire qui peut l’aider à ne pas perdre contact avec la réalité.[15]
- Revoir ses processus de sélection, d’évaluation et de promotion en ne misant pas que sur les succès retentissants au détriment des capacités relationnelles.[16]
- Mettre en place des pratiques visant à protéger les dénonciateurs (whistleblowing).[17]
- Plusieurs articles donnent des trucs afin de survivre à de tels patrons.[18][19].
- Donner comme objectifs au leader toxique d’observer le langage non verbal de ses employés lorsqu’il communique avec eux. Les signes à surveiller : colère (fronce les sourcils), blasé (soupire), triste (baisse les épaules), surpris (ouvre les yeux). [20]
AIDER LES VICTIMES DES LEADERS TOXIQUES
Les dommages causés par les leaders toxiques peuvent être très profonds et le risque de perdre ses employés est élevé. Ils auront, pour certains, besoin d’un arrêt de travail et pour d’autres, de changer d’air en démissionnant. Voici quelques suggestions pour les professionnels RH pour aider les employés détruits par les leaders toxiques à s’en sortir et les garder au sein de votre entreprise :
- Les personnes qui se sont fait détruire par un tel leader ont certes besoin d’amis ou de collègues qui les supportent, mais aussi de consulter un psychologue (individuellement ou pour l’équipe) ou d’autres professionnels du même type.
- Éloigner l’employé du leader toxique le plus possible autrement, il sera très difficile pour l’employé de se défaire de l’emprise qu’avait sur lui son patron ou collègue destructeur.
- Informer les victimes qui se sentent souvent idiotes de s’être laissé manipuler si longtemps : profil de ces personnes, puissance de la manipulation, type de blessures, NB de victimes.[21]
- Pour leur redonner confiance en eux et mettre en valeur leur compétence : donnez-leur des projets stimulants. Même si ces personnes se sentent incompétentes et nulles dans leur travail, elles ne le sont pas.
- Donner la flexibilité à l’employé de prendre des journées d’arrêt ici et là si des mois plus tard, il vit encore des périodes d’insomnie, d’angoisse.
- Enfin, Eleanor Roosevelt a dit une phrase qui fait réfléchir et qui se doit d’être à la base de toute intervention visant à aider les victimes à s’en sortir : « Personne ne peut vous faire sentir inférieur sans votre consentement ».[22]
Espérant que ces quelques conseils viendront en support aux entreprises et aux personnes aux prises avec des leaders toxiques, des patrons destructeurs, des collègues manipulateurs ou des pervers narcissiques. Il s’agit d’un sujet tabou, mais une fois qu’une personne ose aborder le sujet, elle se rend compte qu’elle n’est définitivement pas la seule à vivre avec ce fléau.
Sylvie Grégoire, CRHA, MBA
Présidente, Totem Performance organisationnelle
[1] Leadership destructifs, de Wikiberal
[2] Pathologie du pourvoir : Psychologie des leaders psychopathes – Narcissismes sains et pathologiques – (2/3)
[3]TSCHAN, Franziska, professeure de psychologie du travail à l’Université de Neuchâtel , Ne laissez pas un membre toxique contaminer le groupe
[4] VELDSMAN, Theo,Professor and Head, Department of Industrial Psychology and People Management, University of Johannesburg
[5] Leadership destructifs, de Wikiberal
[6] Leadership destructifs, de Wikiberal
[7] VELDSMAN, Theo, Professor and Head, Department of Industrial Psychology and People Management, University of Johannesburg
[8] VELDSMAN, Theo,Professor and Head, Department of Industrial Psychology and People Management, University of Johannesburg
[9] LAMBERT, Margaux, Manipulateurs, pervers narcissiques : qui sont-ils ?
[10] LAMBERT, Margaux, Manipulateurs, pervers narcissiques : qui sont-ils ?
[11] Leadership destructifs, de Wikiberal
[12] RIVARD, Sylvie L., Les patrons toxiques
[13] CARLICCHI, Caroline, Quand le manager devient toxique
[14] LAMBERT, Margaux, Manipulateurs, pervers narcissiques : qui sont-ils ?
[15] HIGGS, Malcolm, Le côté obscur du leadership
[16] HIGGS, Malcolm, Le côté obscur du leadership
[17] LIPMAN-BLUMEN, Jean, Refuser le « bad leadership »et les « toxic leaders »
[18]http://www.nopanda.com/leadership-toxiques-s862048.htm
[19]http://www.psychologies.com/Travail/Souffrance-au-travail/Stress-au-travail/Articles-et-Dossiers/Comment-gerer-un-manager-toxique
[20] Êtes-vous un tueur d’équipe ? http://www.leader-blogueur.com/comportement-toxique-tueur-equipe/
[21] THÉVENET, Maurice, Le management toxique
[22] 5 Trucs pour travailler avec un collègue toxique, Mylène, 2014